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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/74

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sur la plaque, contre laquelle des femmes d’une certaine élégance mangent bravement des pommes de terre frites, dans un restaurant improvisé sous une tente.

La nature semble se complaire dans le contraste qu’affectionnent les romanciers pour leurs catastrophes intimes. Jamais le décor de septembre ne fut si riant, jamais bleu du ciel ne fut si pur, jamais beau temps ne fut aussi beau.

Mardi 27 septembre. — Hier, grande animation dans les groupes du boulevard des Italiens, contre les bouchers. On demande que le gouvernement vende lui-même ses bestiaux, sans l’intermédiaire de ces spéculateurs sur la misère générale. Devant la mairie de la rue Drouot, une femme pérore sur le manque et la cherté des choses les plus nécessaires à la vie, et elle accuse les épiciers de dissimuler une partie de leurs approvisionnements, pour doubler le prix dans huit jours. Elle termine en disant, avec raison et d’une voix colère, que le peuple n’a pas d’argent pour faire des provisions, qu’il a besoin d’acheter, au jour le jour, et que toujours, toujours, les choses sont arrangées pour que le pauvre pâtisse, et que le riche soit épargné.

Au bout du Point-du-Jour, sur le quai de Javelle, au-dessus d’une palissade à meurtrières, au delà du barrage, le paysage, ciel et fleuve, tout à la fois lumineux et gris. À gauche, un grand peuplier, faisant