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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/80

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flée derrière eux ; de temps en temps, jaillit la croix rouge d’un drapeau blanc. Alors, un grand murmure qui dit tout bas, qui dit à chaque oreille : « Des blessés ! » — et aussitôt, des deux côtés de la voiture, la bousculade brutale de la foule qui veut voir.

À côté de moi, d’un remise descend un lignard, le visage terreux, le regard étonné, et que deux gardes nationaux portent sous les bras à l’église-ambulance, où se lit en lettres gothiques, tout fraîchement peintes : Liberté, Égalité, Fraternité. J’en vois passer un autre, son pauvre mouchoir noué sur la tête, un édredon vert sur les jambes. Et toutes sortes de voitures font défiler devant vos yeux de pâles figures, ou laissent entrevoir des pantalons rouges, où le sang fait de grandes taches noires.

Samedi 1er octobre. — La viande de cheval se glisse sournoisement dans l’alimentation parisienne. Avant-hier, Pélagie avait rapporté un morceau de filet que, sur sa mine douteuse, je n’ai pas mangé. Hier, chez Péters, on m’apporte un rosbif, dont mes yeux de peintre suspectent le rouge noirâtre, si différent du rouge rose du bœuf. Le garçon ne m’affirme que bien mollement que ce cheval est du bœuf.

Dimanche 2 octobre. — Aujourd’hui, rien de l’émoi douloureux, de la tristesse de ces deux derniers jours, rien du souvenir des blessés qu’on a vus passer. Le