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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/81

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soleil d’un dimanche a tout emporté, et Paris, en gaieté et en joie, se presse à toutes ses portes, dans un Longchamps étourdi. Les toilettes d’été, les gros nœuds sur les reins et les chapeaux minuscules, toujours à la mode, trottinent sur les chemins de ronde, ou se faufilent entre les gros attelages de camions, par les ouvertures du chemin de ceinture.

On voit des jeunes filles grimpées, comme des chèvres, sur le talus de sable, l’œil aux meurtrières. Des américaines emportent sous la conduite d’un garde national, galonné d’argent, des élégantes, qui, un pince-nez à la main, parlent bastions, gabions, cavaliers. Les industries à voitures se font voir, remplies de membres endimanchés de la famille, dont quelques-uns tressautent sur des chaises. Enfin les routes sont pleines d’enfants qui jouent et gaminent, encouragés par le sourire tranquille de leurs parents.

Je reviens à pied, le long des quais, dans le léger crépuscule de six heures. Le Paris, dans la vapeur chaude qu’il garde du jour brûlant, dans la poussière, soulevée toute la journée, par ces pieds d’hommes, de femmes, de chevaux, par toutes ces roues de voitures, est noyé dans un gris d’Afrique, ce gris qu’a si bien peint Fromentin, et dans lequel les maisons mettent des carrés blanchâtres, et les arbres quelques rondeurs violettes.

Je continue à marcher en ce gris, qui se fonce et se bleuit de la nuit qui vient, et dans lequel s’allume tout à coup la lanterne rouge d’un bateau-mouche,