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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/93

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De la place d’Italie jusqu’au Jardin des Plantes, partout on revêt de toile cirée les étables à bestiaux, partout on travaille à des baraquements, dont les traverses servent de trapèzes à des enfants, et partout des évolutions militaires de blousiers, que des essaims de petites filles dépenaillées, aux cheveux frisottés, aux yeux brillants de bohémiennes, imitent, armées d’échalas.

La nuit est venue, de petites chauves-souris zigzaguent sur le violet dense des tours de Notre-Dame, sur la pâleur du ciel, que lignent en bas, comme des épingles noires, les baïonnettes de la multitude armée, défilant toute sombre, sur les quais.

Vendredi 14 octobre. — C’est étonnant, comme on se fait à cette vie scandée de coups de canon, à ce beau ronflement lointain, à ce claquement formidable, à cette vibration de l’air ; et ces énergiques ondes sonores vous manquent, et vous font tendre l’oreille vers l’horizon, une minute silencieux.

Je vais prendre Burty aux Tuileries… Sous ces vieux plafonds noircis par les fêtes et les soupers de l’Empire, sous ce bel or bruni qui me rappelle l’or des plafonds de Venise, au milieu de ces bronzes, de ces marbres, qui émergent de l’emballage encore incomplet du mobilier, dans le tain de ces glaces splendides, se voient des figures rébarbatives de plumitifs, des têtes aux longs cheveux socialistes, des crânes avec une couronne de cheveux d’un roux