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Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/112

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lacroix, Musset, nous autres… Eh bien là, nous avons beaucoup bu de ce petit vin, qui a une si jolie couleur de groseille : ça n’a jamais fait de mal à personne. »

Depuis quelque temps, la petite Jeanne porte sa cuisse de poulet à ses yeux, à son nez, quand tout à coup elle laisse tomber sa tête dans la paume de sa main, tenant toujours la cuisse à moitié mangée, et s’endort, sa petite bouche entr’ouverte, et toute grasse de sauce. On l’enlève, et son corps tout mou, se laisse emporter, comme un corps où il n’y aurait pas d’os.

Hugo fait un cours d’hydrothérapie, il nous entretient de l’ablution qu’il prend chaque matin : ablution qu’il a enrichie de quelques carafes d’eau glacée, qu’il se verse lentement sur la nuque, dans le cours de la journée, — vantant fort ce réconfort pour les travaux de l’intelligence et autres.

Il coupe son cours d’hydrothérapie par cette invitation : « Vous devriez venir me voir à Guernesey, pendant le mois de janvier. Vous verriez la mer, comme vous ne l’avez jamais vue. J’ai fait construire, au haut de ma maison, une cage en cristal, une espèce de serre, qui m’a bien coûté 6 000 francs. C’est la meilleure stalle pour voir les grands spectacles de l’Océan, pour étudier le sens d’une tempête… Oui, on s’est beaucoup moqué de moi, à propos de cela, mais une tempête, ça parle !… ça vous interroge !… ça a des intermittences !… des exclamations ! »