Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/123

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Mercredi 17 décembre. — La toquade de Flaubert d’avoir toujours fait et enduré des choses plus énormes que les autres, a pris, ce soir, les proportions de la dernière bouffonnerie. Il a bataillé violemment, et s’est presque chamaillé avec le sculpteur Jacquemart, pour prouver qu’il avait eu plus de poux en Égypte que lui, qu’il lui avait été supérieur en vermine.

Puis affalé sur moi, et avec des coups de doigt sur ma poitrine, me faisant l’effet de coups de bouton de fleuret, il a cherché à me prouver, que personne, personne au monde n’avait été amoureux, comme il l’avait été une fois. Ça été pour lui l’occasion de me reraconter une histoire qu’il m’a déjà contée plusieurs fois, l’histoire dans laquelle il risquait sa vie, au milieu des précipices d’une falaise, pour embrasser un chien de Terre-Neuve, appelé Thabor, à une certaine place, où sa maîtresse avait l’habitude de déposer un baiser.

Une passion qui l’avait empoigné en quatrième, et qu’il garda, au fond de lui, en dépit des amours banales, jusqu’à trente-deux ans.

Jour de Noël 25 décembre. — Je me sens plus seul, les jours de fête, que les autres jours.

Je me promène aujourd’hui dans cette maison qui s’arrange, fait sa toilette, devient un nid d’art, et mon plaisir est tout triste, qu’il ne soit pas là, pour