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Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/86

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Dimanche 28 juillet. — Il fait partie vraiment des belles actions, ce sacrifice fait par une femme à la très petite fortune, Mme Dardoize, ce sacrifice de 6 000 francs qu’elle avait de côté, pour la fondation d’une ambulance au commencement de la guerre de 1870, ambulance, où, au bout de trois jours, elle était abandonnée par les illustres infirmières qui s’étaient fait inscrire, et où elle frottait le parquet, en faisant les lits de trente-deux blessés, dont aucun n’est mort.

Et les intéressantes et humaines choses dont elle a été spectatrice. Un petit Breton héroïque, inconscient de son héroïsme, blessé aux deux bras avec un morceau d’obus dans la poitrine, ne connaissant pas un mot de français, et qui, au crépuscule, se mettait à chantonner les vêpres en latin bas-breton. Et à côté de lui un voltairien enragé, auquel cette sœur de charité éclectique, un jour de Noël, mettait dans ses souliers les Contes de Voltaire, tandis qu’elle mettait un chapelet dans les souliers du Breton.

Mardi 6 août. — Déjeuner chez Drumont.

Une petite salle lumineuse, où la vue, une vue égayante, passant par-dessus la torsion des vieux arbres fruitiers, et traversant la Seine, va au coteau vert qui fait face. Là dedans de vieux bahuts, faits de pièces rapportées, sous un trumeau de Boucher, acheté chez un tapissier de Villeneuve-Saint-Georges.