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Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/98

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lants. Le hasard nous a servis au mieux, le petit mur d’un champ auquel nous nous sommes adossés pour déjeuner, est occupé par une compagnie de lignards qui se mettent à faire feu, agenouillés derrière le mur, et nous nous trouvons, pour ainsi dire, dans les rangs de la troupe, et bientôt dans un nuage de poudre… Ah ! l’intéressante chasse à l’homme que doit être la guerre, pour un monsieur qui n’est pas un couillon, et qui n’a ni la colique, ni la migraine, ni le rhume, pour un monsieur bien portant… Et je pensais au milieu du nuage grisant, et de la canonnade vous faisant bravement battre le cœur, que la fumée qu’on est en train de détruire avec la nouvelle poudre, sera bientôt suivie par une découverte quelconque qui détruira le bruit excitant du canon, et qu’alors ce sera bien froid, et qu’il faudra être bien enragé pour se tuer, non seulement sans se voir, ce qui arrive aujourd’hui, mais encore sans s’entendre.

Ce soir, je plaignais les reins des artilleurs galopant sur les caissons, devant M. de Fraville, officier d’artillerie. « Ce n’est pas sur les reins, me dit-il, que se porte la fatigue du secouement sur les coffres, c’est sur la mâchoire, et cela arrive quelquefois à empêcher les artilleurs de manger le soir. »

Samedi 14 septembre. — Un dur parcours, que celui sur la ligne de l’Est par cette Exposition uni-