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Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/178

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Le petit hall, ou plutôt l’atelier où la tragédienne reçoit, a quelque chose d’un décor de théâtre. Aux murs, deux ou trois rangées de tableaux posés sur le parquet, sans être accrochés, ayant quelque chose d’une préparation de vente chez un expert : tableaux que domine, sur la cheminée, son grand portrait en pied de Clairin. Devant les tableaux, des meubles de toute sorte, des bahuts moyenâgeux, des cabinets de marqueterie, une infinité d’objets d’art rastaquouères, des figurines du Chili, des instruments de musique de sauvages, de grands paniers de fleurs, où les feuilles et les fleurs sont faites de plumes d’oiseaux. Là dedans, une seule chose d’un goût personnel, de grandes peaux d’ours blancs, mettant dans le coin où se tient la femme, une blancheur lumineuse.

Au milieu de cela, une cage, où un perroquet et un singe vivent en famille, un perroquet à l’immense bec, que tourmente, que martyrise, que plume, le petit singe, toujours en mouvement, toujours faisant du trapèze autour de lui, et que couperait en deux de son formidable bec, le perroquet, qui se contente de pousser des cris déchirants. Comme je m’attendrissais sur la vie affreuse faite à ce perroquet, on m’affirmait qu’un moment, on les avait séparés, qu’à la suite de cette séparation le perroquet avait manqué de mourir de chagrin, et qu’il avait fallu absolument le remettre avec son bourreau.

Vers huit heures arrive Sarah de sa répétition, et qui dit mourir de faim.