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Page:Gorki - Contes d Italie.djvu/37

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LES ŒILLETS

fleurs, et levant bien haut sa menotte noire comme l’aile d’un moineau, elle lance les œillets rouges dans le vase de vin.

Les quatre hommes tressaillent ; quatre têtes irritées et poussiéreuses se relèvent ; la fillette bat des mains et rit, en trépignant en cadence. La mère embarrassée la prend par le bras et prononce quelques mots d’une voix aiguë. Le gamin rit, plié en deux. Dans le vase, sur le vin noir, les pétales de fleurs flottent comme de petits bateaux roses.

Le vieillard tire un verre de sa poche ; il puise du vin et aussi des pétales ; il se soulève avec difficulté sur les genoux et, portant son verre à ses lèvres, il dit d’un ton grave et rassurant :

— Ça ne fait rien, madame ! Le cadeau d’un enfant, c’est un don de Dieu ! À votre santé, belle dame, et à la tienne aussi, petite ! Sois belle comme ta mère et deux fois plus heureuse…

Il trempe sa moustache grise dans le verre, plisse les paupières et aspire le liquide