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Page:Gorki - Contes d Italie.djvu/72

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CONTES D’ITALIE

œil décoloré, mais encore joyeux ; il eut un petit rire et ajouta :

— Hein, que de gens j’ai donnés au pays et au roi !… Comment j’ai perdu l’œil ? Oh ! il y a longtemps de cela ; j’étais encore un gamin alors, mais j’aidais déjà mon père. Il était en train de bêcher sa vigne ; le sol n’est pas bon, chez nous, il demande beaucoup de soins… il est très pierreux… Un caillou sauta sous la bêche de mon père et me frappa à l’œil… Je ne me rappelle pas si j’ai souffert, mais, au dîner, l’œil tomba ; c’était affreux, signors. On le remit en place, on y appliqua du pain chaud, mais l’œil mourut quand même !

Le vieillard frotta avec force sa joue ridée et rousse et se remit à sourire avec bonhomie :

— Il n’y avait pas tant de docteurs à cette époque-là et les gens vivaient plus bêtement… Oh ! oui. Ils étaient peut-être meilleurs. Hein ? Oui, c’est bien possible…

Son visage tanné, tout creusé de plis profonds et couvert de poils d’un gris verdâtre,