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Page:Grégoire - De la littérature des nègres.djvu/61

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le bétail, et que des maîtres jouent quelquefois aux cartes ou au billard, contre quelques barils de riz ou d’autres marchandises ? Que peuvent être des individus dégradés au-dessous des brutes, excédés de travail, couverts de haillons, dévorés par la faim, et pour la moindre faute déchirés par le fouet sanglant d’un commandeur ?

L’estimable curé Sibire qui, après avoir missionné avec succès en Afrique et en Europe, est actuellement, comme tant de dignes prêtres, repoussé du ministère par des fanatiques ; Sibire dit, en se moquant des colons, « Ils ont fait des descriptions bizarres de la béatitude de leurs Nègres, et sous des couleurs si riantes, si aimables, qu’en admirant leurs tableaux d’imagination, on regrette presque d’être libre, ou qu’il prend envie d’être esclave… Je ne leur souhaiterois pas à ces colons un pareil bonheur, dont pourtant ils ne sont que trop dignes[1]. À qui persuaderez-vous

  1. V. L’Aristocratie négrière, etc., par l’abbé Sibire, missionnaire dans le royaume de Congo, in-8o, Paris, 1789, p. 93.