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Page:Gréville - Suzanne Normis, roman d'un père, 1877.djvu/115

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ROMAN D’UN PÈRE.

les rejoindre quinze jours plus tard. À ce moment je fus lâche : pendant que Suzanne, sur le quai de la gare, me tendait son front lisse et enfantin, j’eus envie de me mettre à pleurer, de me cramponner à sa robe comme un enfant malade et de lui dire ; « Emmène-moi ! »

— On part, messieurs, on part ! nous cria l’employé,

Il fallut se reculer ; avec de l’argent nous avions obtenu d’aller jusque-là ; mais rien ne pouvait plus m’autoriser à suivre ma fille plus loin.

Le sifflet retentit, le train s’ébranla ; je vis encore une fois la tête blonde de Suzanne se pencher au dehors… puis plus rien. Madame Gauthier me prit par le bras et me ramena à ma voiture. Notre fidèle Pierre, qui avait les yeux gros comme le poing à force d’avoir pleuré, nous ouvrit la portière quand nous descendîmes, puis s’enfuit dans le sous-sol en étouffant un sanglot dont j’entendis l’écho à la cuisine : la vieille cuisinière pleurait aussi ; la bonne de Suzanne, qui restait à son service, était partie en avant le matin, et nous étions tous jaloux d’elle.

Quand nous fûmes dans ce salon, je regardai autour de moi ; la vue de ces objets familiers me