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Page:Grandville - Cent Proverbes, 1845.djvu/175

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CHAQUE POTIER VANTE SON POT.

pièces sont réunies, là, sur ce bureau ; tu peux en prendre connaissance…

— Oh ! mon oncle !

— Bien, bien ; je sais que tu vas me prier de garder la direction de tes affaires, et me dire qu’elles ne sauraient être placées en meilleures mains.

— Vous m’avez deviné.

— Oui, mais je suis un vieil égoïste qui ne me fatigue pour les autres que lorsqu’il m’est impossible de faire autrement… Tu as trente mille livres de rente à toi, c’est dix mille de plus que je n’en ai reçu ; j’ai assez fait travailler tes fonds pour avoir le droit de me reposer. Mais avant de t’abandonner la direction suprême de tes affaires, je me permettrai seulement de t’adresser une seule question : As-tu lu l’Amour Médecin ?

L’Amour Médecin de Molière ? Oui, mon oncle.

— N’oublie jamais la première scène du premier acte, mon ami, toute la science de la vie est là-dedans ; le monde est pavé de M. Josse. Je n’ai pas d’autres conseils à te donner ; mais pour que tu n’en perdes jamais le souvenir, je prétends mettre cette morale en action. Suis-moi.

Un quart d’heure après, M. Deslongrais et son neveu entraient chez un jeune banquier, rue du Houssaie.

— Mon cher Gambier, lui dit l’oncle, nous venons, mon neveu et moi, vous demander un service.

— Vous qui avez trente mille livres de rente ? Votre neveu qui en a autant ?

— Eh ! précisément, ce sont ces maudites trente mille livres de rente qui nous gênent ! Que faire du capital ? Vous qui êtes dans les affaires donnez-nous donc un bon conseil.