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Page:Grillet - Les ancêtres du violon et du violoncelle, 1901,T1.djvu/106

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ainsi que les bardes, ils s’employaient parfois pour séparer les combattants[1].

Philippe-Aupfuste avait à sa cour le poète Hélinand, qui lui racontait pendant son repas des aventures de chevalerie et d’autres sujets tirés de la fable ou de l’histoire :

Quant li rois ot mangié, s’appela Élinant.
Por li esbannoïer commande que il chant ;
Cil commence à noter ainsi com li jaïant
Vourent monter au ciel, come gens mescréant
Entre les Dieux en ot une bataille grant,
Se ne fust Jupiter, à la foudre bruïant,
Oui tous les desrocha : j’a n’eussent garant.

(Roman d’Alexandre.)

Déjà, dans l’antiquité, on ajoutait aux plaisirs de la table, par des spectacles, des jeux et des concerts. Cette coutume, qui semble avoir été commune à tous les peuples, existait encore dans la Gaule après l’invasion des Francs et se continua très longtemps après, car l’abbé Choisy rapporte, dans sa Vie de Charles V, que pendant le dîner de la reine, il y avait un prud’homme qui faisait des contes. On lit aussi dans le roman d’Anseis de Carthage :

Rois Anseis doit maintenant souper ;
Mais il faisoit un Breton viéler
Le lai Goron comment il doit finer
Comme faitement le convient définer.

Ce n’étaient pas seulement les rois et les nobles qui avaient des jongleurs attitrés pour égayer les repas ; les évèques, les abbés, les papes même se plurent à embellir ainsi leurs fêtes[2] et introduisirent des comédiens et des bouffons dans

  1. « Ouant aux bardes, ils chantaient, an son de la lyre ou autre instrument de musique, les faits des vaillants hommes mis en vers héroïques, et donnaient telle autorité à la poésie, qu’aucuns poètes, se mettant entre deux armées maintes fois apaisèrent la fureur des gens d’armes prêts à choquer. » Fauchet Antiquités gauloises, liv. I. chap. iv.
  2. Dans beaucoup de monastères, les jongleurs furent employés à traduire