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Page:Groslier - À l’ombre d’Angkor, 1916.djvu/128

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dans un pays où, jadis encore, pas un sujet masculin n’ignorait les caractères.

Quand, dans un tel peuple, la royauté qui fut autrefois la formidable autocratie dont peu de pays au monde possèdent de traces comparables est arrivée à être presque ignorée ; lorsqu’une institution, semblable à la bonzerie, qui était le ferment, le cœur, l’idéal, le refuge d’une population adorante, qui avait survécu au passé, à la pierre même, puisque le bonze est resté debout sur le seuil des temples écroulés ; quand les coutumes, lès croyances, le rêve, l’art, le rythme, quand tout cela tour à tour, bribe à bribe, s’effrite irrémédiablement dans un peuple clairsemé, à quoi peut-il se rattacher, ce peuple ? Et flottant sur sa destinée, qu’est désormais cette barque désemparée sans beauté, sans maître, sans but, bientôt sans souvenir, sinon une épave !

D’ici quelques années, plus rien ne restera. Je retrouve avec peine dans des cases dispersées au hasard des rizières, de rares vestiges des industries anciennes : des morceaux de bronze, des poteries ébréchées sortis de terre par les chercheurs de tubercules. N’ai-je pas appris que des bijoux