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Page:Groslier - À l’ombre d’Angkor, 1916.djvu/19

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Souvent une petite île surgit, semblable à un grand vaisseau à l’ancre dans le courant, un grand vaisseau en fête et tout orné de verdure. Et toujours ce sont les herbes flottantes aux fleurs mauves ; les cormorans, ailes ouvertes, noirs et immobiles dans le soleil ; une pirogue dormant sous un arbre qui la remplit de feuilles ; un enfant nu qui se baigne ; des oiseaux bleus ; le bond scintillant d’un poisson et jetées sur la berge pour sécher, les étoffes safran des bonzes.

Les sampans ont les deux extrémités relevées, un pagayeur sur chacune ; et souvent une femme à l’écharpe éclatante est posée au milieu comme une grande fleur. Chaque sampan flotte au ras de l’eau et la frôle comme un mince croissant noir répété par elle en sens inverse. De sorte que deux croissants sont là : un qui glisse — l’autre qui tremble.

Cette pirogue creusée dans un seul tronc d’arbre est presque l’unique richesse du riverain. Il y habite souvent, y pêche, y transporte des fruits et des vivres protégés par des feuilles. Accroupi à l’arrière il s’arrose d’eau exquise à sa fatigue. Il y chante des refrains qui l’aident à ramer. Il y dort et rêve dans le bercement du fleuve et l’ombre des