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Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/24

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L’APPEL DE LA RACE

— Oui, c’est le cadre et joliment brossé, acquiesça Lantagnac. Souffrez pourtant que je vous ramène à mon petit coin, à celui de mon pèlerinage, ma vraie petite patrie. Car, il faut que vous le sachiez, Père Fabien : dans Saint-Michel le beau pays, il y a aussi le plus beau coin du monde : le rang des Chenaux.

Puis, sur le ton de la plaisanterie :

— Mettons que tout de suite après, je place votre rang de Saint-Charles, au pays de Saint-Hermas.

— J’attendais cette concession ! fit le Père, souriant.

— Excusez du peu, reprit l’avocat : vous n’avez encore que la plus modeste explosion de mon chauvinisme. Comment vous dire, ce que m’ont fait au cœur ces paysages revus après si longtemps ! À la baie de Saint-Michel ovale et calme en son clos d’îles, « d’îlons et d’îlettes » — j’emprunte ces jolis vieux mots à nos contrats de famille — j’ai pourtant préféré, vous le confierai-je, les rives du lac. Là ! voyez-vous, sont les Chenaux, les vrais, où se prolonge toujours le domaine des Lantagnac. Puis là aussi, sur les bords du grand bassin, s’égrène une petite géographie locale dont il faut que je vous révèle la saveur. Supposez donc un instant, Père Fabien, que je vous prends en canot, et voilà que nous partons ensemble vagabonder et recueillir mes souvenirs le long de la rive aimée. Cette rive est celle où j’ai posé partout mes pieds d’enfant, les jours où nous y venions, parmi les aulnaies,