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Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/25

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LE COIN S’INTRODUIT

ramasser le bois de grève, cueillir les framboises et les catherinettes — surtout les catherinettes, ma passion de ce temps-là — ; elle est celle où, à travers le petit sentier sous bois, nous courions, par les matins d’été, trempés de rosée jusqu’aux aisselles, à la poursuite du troupeau de moutons parti en déserteur vers les plages du détroit. Et me voyez-vous qui souris à ces vieilles choses retrouvées où je me retrouve moi-même comme en un visage qui me ressemble ? Je me nomme, avec le cœur autant qu’avec les lèvres, ces lieux qui portent encore une vieille résonance historique et française : la baie des Ormes, la Grande-Pointe, le Fer-à-cheval, le Grand-Rigolet, le Petit-Rigolet. Puis voici les îles dont les anneaux verts se déploient le long des rives, l’île Cadieux et l’île aux tourtes, pareilles à deux môles qui s’avanceraient vers l’eau profonde ; et voici entre elles, l’île-du-large, vrai phare avec sa touffe d’arbres plantés comme des signaux sur ses hautes roches, et, plus près de la rive, l’île-aux-pins, plus basse et plus poétique, où le bruissement des roseaux accompagne le long murmure des grands arbres ; et voici enfin la dernière, d’un bois épais et noir et dûment nommée l’île-à-Thomas, parce qu’autrefois, — goûtez ce joli détail, je vous prie, — un vieux Thomas Dubreuil y venait fagoter avec la permission des seigneurs, mes ancêtres.

… Songez, après cela, chantait toujours le pèlerin, moitié riant, moitié solennel, songez, cher Père, que, parti maintenant à travers champs, je revois cette nature, à la fin de juin, l’époque