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Page:Groulx - Mes mémoires tome IV, 1974.djvu/216

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septième volume 1940-1950

Deuxième entrevue avec le Délégué apostolique

Serait-ce le lieu de consigner ici le souvenir d’une entrevue qui m’échut, à l’été de 1945, avec le délégué apostolique, Son Excellence Mgr Ildebrando Antoniutti ? Occasion fortuite où j’aurai pu peut-être rendre quelque petit service à mes compatriotes, dans le domaine religieux. C’est la seconde fois[NdÉ 1] que je me présente chez le diplomate romain. On se rappelle cette autre entrevue sollicitée par le même en 1940 à propos de réformes dans notre enseignement. Cette seconde entrevue, je la sollicite de mon propre chef. Son Excellence avait coutume de m’accueillir avec la plus souriante figure. Deux ou trois fois, en ces derniers temps, lors de nos rencontres, le diplomate m’avait montré son visage le plus glacial. Changement soudain. Pourquoi ? Sur ce, Son Excellence fait savoir à Mgr Perrier, grand vicaire de Montréal, qu’il ne peut renouveler mon privilège d’oratoire personnel, privilège dont on m’a gratifié depuis 1939, soit depuis mon arrivée à Outremont. Refus qui me laisse plus que songeur. Son Excellence me croirait-elle mêlé à une récente démarche de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal ? J’en étais alors, par autorisation hasardeuse de Mgr Charbonneau, vice-président : vice-président malgré moi, et par intérim, m’avait-on assuré, le temps de barrer le chemin à un autre personnage peu désiré de la part de ces Messieurs de la Société. Or la Saint-Jean-Baptiste avait fort mal accueilli la nomination d’un évêque irlandais, à Montréal, à titre d’auxiliaire de Mgr Charbonneau. On avait même rédigé un mémoire à l’adresse de l’épiscopat canadien-français et du Délégué. Respectueusement la Société exprimait sa surprise d’une telle nomination et osait formuler l’espoir qu’à Rome les autorités manifesteraient autant de générosité pour les minorités canadiennes-françaises, plus importantes que la minorité catholique anglaise de Montréal, et qui, d’un bout à l’autre du pays, avaient à subir la politique anglicisatrice d’évêques irlandais. Je dois toutefois rappeler qu’en la rédaction de ce mémoire les directeurs de la Société Saint-Jean-Baptiste n’avaient consulté ni l’aumônier général, Mgr Olivier Maurault, ni le vice-président. « Nous ne voulons compromettre aucun ecclésiastique », me dit-on dans le temps ; le mémoire serait

  1. Voir pages 68-69 de ce volume.