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Page:Groulx - Mes mémoires tome IV, 1974.djvu/217

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mes mémoires

affaire de laïcs. Mgr Charbonneau et surtout le Délégué prirent très mal la chose. Entre ce mémoire et le refus de mon privilège, y aurait-il relation de causalité ? J’ai quelque raison de le penser. Cette privation de mon oratoire, ai-je besoin de le dire, me cause de graves ennuis. Que faire ? Solliciter une entrevue du Délégué ? Lui demander et lui fournir des explications ? Un soir qu’en séjour à Ottawa j’en cause avec Mgr Myrand, il me dit dans son langage pittoresque : « Si j’étais toi, je demanderais une entrevue au Délégué et je descendrais à pic chez lui. Et tu aurais la plus belle occasion du monde d’aborder toute notre question religieuse et nationale. » Le conseil me paraît bon. Son Excellence me reçoit — c’est au début de l’été de 1945 — de la façon la plus charmante. Après les propos banals, j’en viens sans tarder à la raison de ma visite. Je dis mon regret de la perte de mon précieux privilège et j’exprime mes soupçons sur les motifs qui m’auraient attiré ce désagrément. J’évite de me prononcer sur l’opportunité du mémoire de la Société Saint-Jean-Baptiste, puis j’affirme avec force à Son Excellence : « Je n’ai rien eu à faire avec ce mémoire ; on ne m’a pas consulté, on n’a sollicité de ma part, aucun conseil ni assentiment ; et on a procédé ainsi, délibérément, déterminé à ne faire, de ce document, qu’une démarche de laïcs. » Le Délégué me répond gentiment : « Le mémoire n’est pour rien en l’affaire. Mais il arrive que les motifs invoqués par Mgr Perrier au sujet de votre privilège ne sont plus recevables à Rome. » (Je dois noter en passant, qu’en sa réponse à Mgr Perrier, le Délégué s’était gardé de fournir la moindre raison de son refus.) Et comme je lui fais observer qu’il y a pour moi des raisons de santé et que je lui apporte une attestation de mon propre médecin, le Dr René Dandurand, il refuse de prendre connaissance de l’attestation et continue, toujours charmant : « Dites simplement à Mgr Perrier de changer les motifs de votre supplique ; pour des raisons de santé, Rome ne refuse jamais ce privilège. »

— Et en attendant ? lui dis-je.

— En attendant, usez de votre privilège.

— À Vaudreuil comme à Outremont ?

— À Vaudreuil comme à Outremont.