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Page:Guèvremont - Le survenant, 1945.djvu/114

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LE SURVENANT

— Eh ! non, un rêve !

— Puis la visite de ta vieille par-ci, par-là, pour réchauffer ta paillasse ?

L’homme jeta un regard furtif du côté des femmes, afin de s’assurer que la sienne était loin, avant de répondre crânement : « Ouais, mais pas trop souvent ! »

— Moi, dit le père Didace, quand je serai vieux, je voudrai avoir une cabane solide sur ses quatre poteaux, au bord de l’eau, proche du lac, avec un p’tit bac, et quelques canards dressés, dans le port…

— Je te reconnais ben là, mon serpent, conclut Pierre-Côme. Pour être loin du garde-chasse et aller te tuer un bouillon avant le temps, hein ?

— Quand c’est qu’un homme est vieux, d’après vous ? demanda le Survenant, amusé.

L’un répondit :

— Ah ! quand il est bon rien qu’à renchausser la maison.

Un autre dit :

— Ou ben à réveiller les autres avant le jour.

Didace Beauchemin parlait plus fort que les autres :

— Mon vieux père, lui, à cinquante-cinq ans, allait encore aux champs comme un jeune homme.

— Comme de raison, un habitant qui vit tout le temps à la grand’air, sur l’eau, la couenne lui durcit