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Page:Guèvremont - Marie-Didace, 1947.djvu/82

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MARIE-DIDACE

nerait les balises, les rencontres difficiles, les détours tracés en pleins champs. Jamais le Survenant ne repasserait par le même chemin : un pressentiment en avertit l’infirme. Maintenant l’abandon, de plus en plus lourd, tombait sur elle, comme la neige sur la plaine.

Un tel désespoir l’envahit qu’elle saisit à pleines mains le balai de sapinage et frappa à grands coups le sol blanchi : « Route infâme, c’est toi, avec ton vaste monde, qui me l’as pris, le Survenant. »

À la tête d’un liard, une chouette fit entendre son ululement plaintif. Au cri apeuré, Angélina se calma. La poudrerie l’aveuglait.

Des oiseaux, il n’en restait plus guère, au Chenal du Moine. Des mauves ? Quelques-unes, les dernières. Des hiboux ? Les plus voraces seulement, qui chassent le mulot sur la commune. Des canards sauvages ? Les caducs et les blessés que le grand volier au départ, abandonne à leur sort.

Un charroi de bois que conduisait Joinville Provençal faillit heurter Angélina. Elle ne l’avait pas entendu approcher.

— C’est l’hiver, lui cria joyeusement Joinville. Regarde les oiseaux de neige s’ils sont joyeux !

Une bande de petits oiseaux blancs, en effet, traversait la bourrasque au-dessus des derniers chaumes. Ils s’égaillaient à voler avec le vent. Ils s’élevaient