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Page:Hérondas - Mimes, trad. Dalmeyda, 1893.djvu/84

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de Nannakos[1], il mettrait longtemps à le dire. Mais le tripot où se réunissent les portefaix et les esclaves fugitifs, il le connaît fort bien, et le montrerait à d’autres. Et ces misérables tablettes que je m’échine à couvrir de cire chaque mois ! elles traînent délaissées, au pied du lit, contre le mur, et si par aventure il y jette un coup d’œil — comme on regarderait l’Hadès, — loin d’écrire rien de bon, il les gratte entièrement. En revanche, les osselets qu’il garde dans son sac et dans son filet sont plus luisants que le lécythe qui nous sert à tout usage. Il est incapable de reconnaître seulement un alpha, si l’on ne s’égosille à lui crier cinq fois la même chose ; avant-hier, son père lui épelait le nom de Maron[2] ; au lieu de Maron c’est Simon qu’a écrit cet amour d’enfant ; aussi me suis-je dit que j’étais folle de ne pas lui apprendre à garder les ânes, mais d’en faire un lettré, dans le vain espoir qu’il sera mon bâton de vieillesse. Quand je lui demande, comme à un enfant, de réciter une tirade, ou que son père (pauvre vieillard presque sourd et aveugle) le lui commande, il di-

  1. Nannakos. Cet autre Jérémie est, d’après Athénée (II, 101), un roi de Phrygie antérieur à Deucalion, qui, prévoyant les malheurs à venir, versait, dit-on, des torrents de larmes.
  2. Maron. Ces deux noms sont choisis à dessein. On ne peut affirmer avec certitude que Maron représente pour les Doriens le modèle de l’abnégation et du courage (Crusius, Untersuch., p. 60) ; mais le nom de Simon doit être familier au jeune vaurien : c’est un terme de jeu, le nom d’un coup de dés.