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Page:Haeckel - Religion et Évolution, trad. Bos, 1907.djvu/117

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du « Jugement dernier », il dispense aux bons les récompenses, aux méchants les châtiments, ainsi qu’un juge équitable. Les idées enfantines qu’on s’était faites de ce Dieu extra-mondial, qui s’opposait au monde matériel comme un être indépendant, de ce créateur personnel, qui maintenait et gouvernait l’Univers, — sont complètement inconciliables avec les progrès accomplis dans la connaissance de la Nature au xixe siècle, en particulier avec ses deux grands triomphes : la loi de substance et la doctrine moniste de l’évolution.

Mais la philosophie critique, elle aussi, a depuis longtemps prononcé son arrêt de mort. Avant tout, notre célèbre philosophe critique, E. Kant dans sa Critique de la raison pure, a démontré que la science, qui ne présuppose rien, ne peut découvrir aucune preuve de l’existence des trois grands dogmes centraux de la métaphysique : un Dieu personnel, l’immortalité de l’âme et le libre arbitre. Il est vrai que plus tard (au cours d’une métamorphose dualiste et dogmatique), le même Kant a déclaré que nous devions croire à l’existence de ces trois grandes puissances mystiques et qu’elles constituaient des postulats indispensables de la raison pratique ; à celle-ci, d’ailleurs incombait le primat sur la raison pure. La métaphysique allemande moderne, qui vante « le retour à Kant » comme la suprême sagesse, voit précisément dans cette impossible réunion des deux pôles contraires, le suprême mérite du philosophe. Cette opposition diamétrale des deux raisons, chez le grand métaphysicien de Königsberg, dont conviennent tous les kantiens loyaux, satisfait pleinement la belliqueuse Église et son alliée, l’autorité gouvernementale.