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Page:Hans - À L'Yser, 1919.djvu/75

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Un village à l’Yser avant la guerre.

dainement surgi par delà le Rhin et elles foulèrent impitoyablement aux pieds tout ce qui nous était pieux et cher. Sans aucun scrupule, elles répandirent le deuil, la douleur et les larmes, lâchement elles firent couler le sang innocent. Sans honte, elles frappèrent le faible… Mais leurs crimes crièrent vengeance et elles rencontrèrent dans la Belgique orientale et méridionale et plus tard à l’Yser, une armée de héros qui se battit avec la rage du désespoir et qui préféra plutôt mourir que céder…

Oui, ils pouvaient fièrement défiler sur la Grand’Place de Furnes, ces nobles régiments, couverts de lauriers, ils pouvaient se montrer à leur Roi héros, leur jeune monarque qui bravait les dangers avec eux et qui donnait l’exemple du devoir.

Et les femmes qui admiraient les soldats, toutes elles aimaient la paix… Mais en ce moment elles étaient subjuguées par les événements et leurs cœurs battaient de fierté et d’enthousiasme.

Berthe Lievens vit les guerriers comme en un rêve voilé, car des larmes d’émotion lui mouillaient les yeux. Son fiancé était aussi soldat, champion du droit et de la liberté, défenseur de la patrie meurtrie.

La solennité terminée, la jeune fille quitta la Grand’Place. Elle était venue à Furnes avec sa cousine Mélanie et Pélagie parce que Oostkerke ne présentait plus la sécurité requise.

Pendant les premiers jours qui succédèrent aux terribles événements vécus à Dixmude, Berthe avait été malade ; mais sa nature vaillante et son courage la remirent bientôt sur pied.

Elle était décidée à soigner des blessés, mais avant d’entreprendre cette tâche elle en référerait à Paul.

Mais où était-il ?

Elle l’avait cherché à Furnes. Elle avait parcouru les ambulances et y avait trouvé Antoine Deraedt.

Elle avait pleuré au chevet du malade et lui avait promis de revenir. Elle voulait lui rendre visite aujourd’hui. Elle apprendrait peut-être quelque nouvelle concernant Paul dont le régiment devait toujours être à l’Yser.

La jeune fille était seule. Pélagie et Mélanie préféraient ne pas sortir quand la ville était très animée. Elles prétendaient que leurs nerfs avaient déjà suffisamment souffert.

— Ah ! te voilà enfin, dit-on gaiement.

— Mon oncle Charles ! dit Berthe, tout heureuse… Et tante Julie.

C’était le frère de son père qui habitait Ypres, qu’elle avait rencontré avant la bataille de l’Yser et qui se trouvait maintenant à Furnes en compagnie de sa femme.

— Enfin ! dit-il. Nous nous sommes efforcés pour aller à Dixmude, mais nous n’y sommes pas parvenus. Où est papa ?

— Mort !… Oh, vous ne savez donc pas !… C’est affreux…

La jeune fille se jeta en pleurant dans les bras de sa tante.

— Mort ! répéta l’oncle hébété. Mon frère est mort…

— Oui, une bombe l’a tué !

— Mon Dieu… mon pauvre frère… Viens vite…

Charles Lievens jeta un coup d’œil circulaire et conduisit sa nièce à la Rose Noble, la même auberge où il lui avait parlé il y a quelque temps.

— Pauvre Berthe, dit tante Julie en pleurant. Quels tristes temps… Nous aussi, nous avons dû fuir d’Ypres sous une avalanche d’obus et de shrapnells… Mais toi, tu es bien plus à plaindre… ton père est mort.

Berthe ne cessait de sangloter, la plaie se rouvrait…

Elle recouvra pourtant son calme et elle raconta comment son père avait succombé et ce qu’elle avait fait pour lui.

— Mon Dieu, où as-tu trouvé le courage et la force nécessaire pour accomplir une telle action, dit la tante ébahie.

— C’est une bonne et vaillante fille, dit