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Page:Haraucourt - L’Âme nue, 1885.djvu/102

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LES CULTES.

Tomba sur les genoux, la face dans les roches.

Les nuages passaient, grondaient, roulaient, si proches
Qu’il croyait les sentir effleurer son dos froid ;
Toujours croissant, toujours allant plus loin, tout droit,
Plus vite, ils se chassaient dans le vent du désordre,
Et la mer leur lançait ses vagues pour les mordre,
Et les tigres pleuraient dans l’effroi de la nuit.
Clameurs, échos, des chocs, des cris, le large bruit
Des lames qui brisaient leur rage sur les côtes,
Le râle monstrueux et sourd des forêts hautes,
Des fracas, le passage affolé des oiseaux,
L’horreur du vent, l’horreur du ciel, l’horreur des eaux,
Tout se mêlait : la foudre éclata, brusque aurore,
Devant l’Homme. Et voilà qu’il se traîne ; il implore,
Levant ses deux bras gourds vers le ciel qui fut bleu :
— « Pitié ! Grâce ! » Et voilà qu’il imagine Dieu,
Et demande pardon des fautes non commises !

Puis, au jour, il choisit les victimes promises,
Et les tua, sous l’œil du matin clair et doux.

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