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Page:Haraucourt - L’Âme nue, 1885.djvu/103

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LA VIE EXTÉRIEURE.



Maudite soit la Peur qui courbe nos genoux,
La Peur, mère des dieux, source de la prière,
L’aveugle sans pitié, la sourde meurtrière
Qui poignarde la vie au nom de la vertu !
Maudit le premier cœur qui jadis a battu
Pour la conception d’un crime expiatoire !
Maudits les temples froids, maudite leur histoire,
Et maudits les saints lieux, fournaises, échafauds,
Charniers, où pour la gloire auguste des Très-Hauts
Le ventre des martyrs a fumé vers les nues !
Le fer siffle ; le sang jaillit, et les chairs nues
Fondent sur le brasier crépitant des autels…
Arrière ! Écartez-vous ! Voici les immortels,
Odin et Jéhovah, Jupiter et les onze,
Bel, Ormuzd et Moloch, dieux de marbre ou de bronze,
Morbide invention des cauchemars humains
Dont la fureur sacrée a rougi nos deux mains !
Voici les dieux du ciel qui descendent sur terre,
Tous les fils de la Peur, de l’ombre et du mystère !
Voici les dieux buveurs de sang ! Écartez-vous !
Renforcez les prisons et doublez les verroux !