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Page:Haraucourt - L’Âme nue, 1885.djvu/109

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LA VIE EXTÉRIEURE.

Dans un siècle d’ennui qui ressemblait au nôtre,
Poète, âme de vierge, et tu te fis apôtre
Pour chanter la douceur, les pardons et la mort.

Tes paroles d’enfant semaient le réconfort
Dans les cœurs épuisés de l’infirme et du triste :
Tu leur parlais d’un monde où la justice existe,
Où les bons sont guéris de tous les maux soufferts,
Et les méchants livrés au remords des Enfers.
Les vieillards s’asseyaient sous ton ombre, dans l’herbe,
Et les femmes pleuraient en écoutant ton verbe.
Tel tu passais, allant de bourgade en cité,
Versant autour de toi la paix et la clarté,
Consolant la douleur et pardonnant la faute....
 
Puis, un soir, tu montas sur la colline haute,
Doutant du ciel, croyant au repos du trépas,
Et priant vers un Dieu qui ne répondait pas ;
Et tu mourus, dans la torture et dans l’insulte.
 
Qu’importe, si ma race a dépravé ton culte