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Page:Haraucourt - L’Âme nue, 1885.djvu/232

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LE SOIR.


Tout le long de mon corps fébrile, à chaque pore,
La sueur de l’angoisse écume : son flot noir
Filtre et perle, et je pleus du sang qui s’évapore
Dans l’air vertigineux où nous passons sans voir.


Je cours ! Mers et forêts, pics ébranlant leur masse,
Lacs furtifs, fleuves roux accélérant leur cours,
Tout s’élance vers moi, file, m’effleure, passe,
Les apparitions brûlent mes yeux. Je cours !


Loin, durant les jours clairs ! Loin, durant les nuits brunes !
De l’aube au soir, du soir à l’aube, sans repos,
Sous le plomb des soleils et sous l’acier des lunes,
Loin, loin, avec le bruit galopant des troupeaux !


Vite… Une lassitude atroce me fend l’âme !
Plus vite ! Mon essor tressaute par bonds fous,
Et l’horizon lointain qui limitait la plaine
Est déjà l’horizon perdu derrière nous.