Aller au contenu

Page:Haraucourt - L’Âme nue, 1885.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


218
LA VIE INTÉRIEURE.


Encore ! Le désert parcouru recommence,
Et l’infini déroule un ruban de sentier
Qui se perd dans l’espace horriblement immense,
Et nous faisons ainsi le tour d’un monde entier.


Je cours. Et sans jamais oser tourner la tête
Vers les deux longs poignards qui poursuivent mes flancs,
Je tords mes yeux pour voir l’infatigable bête
Dont les naseaux visqueux frôlent mes pieds sanglants.


Je défaille… Est-ce un rêve ? Il m’atteint, blanc de rage,
Plongeant son muffle brun dans mes hanches qu’il mord !
Est-ce vrai que je sens sa corne qui fourrage
Dans ma chair pantelante et mûre pour la mort ?


Non ! C’est la peur ! Courons ! Plus loin ! Toujours ! Encore !
Et tous deux, à travers l’éternel Sahara,
Nous redoublons sans fin notre course sonore,
Et jamais le taureau triomphant ne m’aura !