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Page:Haraucourt - L’Âme nue, 1885.djvu/87

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LA VIE EXTÉRIEURE.

Point de canons, point de fusils. N’importe : on va.
On veut. Poussant son flux et remuant sa houle,
Ce flot des volontés, cette mer d’âmes, roule.
À chaque rue, aux quais, aux ponts, aux carrefours,
Multipliant sa masse écrasante, et toujours
Plus profonde, et toujours plus dense et plus serrée,
Elle élargit l’ampleur de sa lourde marée.
L’air tremble ; et tout au fond des horizons, là-bas,
Un retentissement effroyable de pas,
Sous la clarté des cieux, gronde comme un tonnerre.


Il peina deux mille ans, ce Peuple débonnaire :
Il en est las, et l’heure a sonné de finir.
C’est le Passé, c’est le Présent, c’est l’Avenir
Qui vont : c’est l’unanime humanité qui marche ;
Et la mer de vengeance apporte aussi son arche,
Arche sainte arrachée au déluge des rois :
La Liberté !
Sinistre, avec ses hauts murs droits,
La Bastille, debout, dans sa robe de pierre,
Hausse rigidement sa masse calme et fière