Aller au contenu

Page:Harvey - Les demi-civilisés, 1934.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
106
les demi-civilisés

moindres facéties, puis, redevenant sérieuse, me posait les questions les plus inattendues.

Maintenant qu’elle ne venait plus, je me rappelais ses longues conversations. L’une de celles-ci me hantait particulièrement, parce qu’elle ne remontait qu’aux derniers temps de notre amour.

— Me trouves-tu vraiment belle ?

— Je ne cesse de te le dire.

— C’est parce que tu me trouves belle que tu m’aimes, n’est-ce pas ?

— Un peu pour ta beauté et beaucoup pour autre chose. Si tu étais sans esprit et sans âme, tu aurais les traits de Cléopâtre que je ne t’aimerais pas.

— Je te poserai la question autrement : si j’étais laide comme la petite bossue Léontine, avec, dans la bosse, tout l’esprit de madame de Sévigné et les dons poétiques de la comtesse de Noailles, est-ce que tu m’aimerais quand même ?

— Mais oui… mais oui… je t’aimerais… autrement. Mais tu n’es pas bossue, et ta supposition est absolument absurde, presque déloyale.

— Je t’y prends, mon grand Max. Les femmes laides te rebutent, tu viens de l’avouer. Je te connais. Tu es fou de belles choses. Tu as un goût à faire trembler toutes les femmes désireuses de trouver grâce devant toi. Chez toi, tu n’admets pas une créature laide, même sur un tableau de maître. Un simple bibelot mal placé te brûle la peau. Tu détournes la vue des vieilles qui