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Page:Harvey - Les demi-civilisés, 1934.djvu/120

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les demi-civilisés

je lui demandais le secret de sa forte logique, il m’expliqua :

— En quittant l’université, à l’âge de vingt-deux ans, un de mes professeurs laïques, Louis Latour, me prit à l’écart et me dit :

« Depuis trois ans que je vous suis pas à pas, je ne vous ai enseigné que ce que j’avais le droit de vous montrer, ici, dans ce milieu fermé, où l’on m’enlèverait mon gagne-pain si je m’écartais de certaines frontières. Vous comprenez ? Je ne vous ai pas tout appris. Dites-vous bien que vous ne savez rien et que tout l’effort d’une vie ne suffirait pas à vous donner ce qui vous manque.

« C’est en sortant d’ici que vous commencerez vos études, oui, vos études à vous, et non celles des autres. Vous devenez votre propre guide, et c’est mieux pour vous, car vous avez de l’étoffe, vous êtes apte à tout comprendre, et il ne tient qu’à vous d’en profiter pour devenir quelqu’un dans la foule des médiocres que forment nos institutions de nivellement.

« Les idées, les opinions, les théories scientifiques, les dogmes et les histoires qu’on vous a inculqués pendant quinze ans, allez les chercher dans tous les recoins de votre cerveau, ramassez-les au râteau, faites-en un tas devant vous, puis, commencez le triage. Examinez attentivement chacune de ces acquisitions, armez-vous d’une loupe, à la lumière du soleil, et mirez-les toutes une à une. Vous en verrez de saines, vous en verrez