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Page:Harvey - Les demi-civilisés, 1934.djvu/136

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les demi-civilisés

Au bout du troisième jour, la femme Pinon, qui pardonnait tout, mettant l’algarade sur le compte de la boisson, avait envoyé vers son mari, comme ambassadeur, son propre père. Ce délégué n’avait pas eu le temps de parlementer : on l’avait mis à la porte.

Le matin du sixième jour, Kathleen disparaissait du chalet, durant le sommeil de Sévère, à qui elle laissait cet écrit :

« La comédie a assez duré. Tu n’es qu’un imbécile et une poire. »

Trois mois plus tard, on avait l’explication brutale du séjour prolongé de l’étrangère dans la société québécoise.

Elle publia sous sa signature un livre mi-romanesque, mi-anecdotique, où elle peignait les mœurs de la vieille capitale sous leur jour le plus scandaleux et où elle laissait facilement identifier les personnages les plus connus de certains milieux par leurs caractéristiques, leurs habitudes et les faits saillants de leur vie.

Les intéressés se concertèrent et prirent le parti d’envoyer un mandataire auprès de Kathleen, à New-York même, avec mission de payer à celle-ci la rançon qu’elle exigerait pour renoncer à son édition.

La transaction eut du succès. L’Américaine, qui ne voulait rien que de l’argent, étant d’une famille de gangsters, avait eu la précaution, avant la mise en librairie, d’adresser un exemplaire de son livre — tiré à mille seulement — à chacune de ses victimes.