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Page:Harvey - Les demi-civilisés, 1934.djvu/138

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les demi-civilisés

ne pouvait effacer Dorothée ; le premier, le plus fort de mes désirs, l’emportait sur la possession.

Maryse avait pourtant le don de se faire aimer. Peu de personnes savaient comme elle simuler les sentiments les plus délicats, les plus intenses, les plus profonds. La tristesse, qu’elle mimait si bien, quand elle se disait incomprise de tous, m’inspirait la pitié. Je finis par m’attacher à elle.

Cérébrale et littéraire, trop intelligente pour croire à son talent, trop adroite aussi pour se risquer seule dans un métier qui la dépassait, son peu de culture lui interdisant les œuvres de longue haleine, elle s’était accrochée à ma personne pour parvenir à la célébrité qu’elle ambitionnait bien plus que l’amour. Dire que je me piquais alors de psychologie et que je ne m’apercevais de rien !…

Un jour, elle me dit :

— Veux-tu, Max, nous écrirons un roman ensemble. Nos deux noms unis à la vie, à la mort ! Ton génie me portera à l’immortalité.

— Je veux bien. Mais sache qu’il vaut mieux vivre la vie que la peindre.

Nous fîmes en collaboration un roman dont je composai les quatre cinquièmes. Je travaillais avec d’autant plus d’ardeur que je m’imaginais posséder, en mon associé, l’inspiration vivante.

En trois mois, l’ouvrage était terminé. Trente jours plus tard, il entrait en librairie sous la seule signature