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Page:Harvey - Les demi-civilisés, 1934.djvu/34

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les demi-civilisés

Le vieux se tut et s’arrêta. Je vis qu’il pâlissait. Je lui demandai ce qu’il avait.

— Ce ne sera rien, dit-il. Encore un étourdissement. Ça va passer.

Nous étions au milieu de la rivière, au-dessus d’un petit rapide.

— Si seulement, balbutia-t-il, je pouvais me rendre au bord.

Comme il disait ces mots, il chancela et s’abattit de tout son long dans le rapide, la face dans l’eau. Je me portai à son secours. J’enfonçais jusqu’à la ceinture. Hélas ! il était lourd pour un petit bonhomme de treize ans. Je parvins à soulever sa tête hors du rapide. Il paraissait ne plus vivre. Mais son cœur battait encore. Je criai de toutes mes forces. Aucun écho. On ne viendrait donc pas. Mes faibles bras n’en pouvaient plus. Dieu que c’est pesant une tête d’homme. Puis, je sentis que mes forces m’abandonnaient, et je ne vis plus rien, perdant conscience de tout. Je me retrouvai au bord de la rivière, ouvrant des yeux épouvantés sur le cadavre de Maxime qui chevrotait, pauvre chose, dans le courant.

Trois jours après, on allait porter en terre le vieux marin, couché dans un cercueil en bois d’épinette. Pour tout cortège, il avait deux de ses frères, paysans humiliés qui allaient inhumer leur aîné dans un champ. On avait refusé la terre sainte à Maxime. Je suivais de loin,