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Page:Harvey - Les demi-civilisés, 1934.djvu/87

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les demi-civilisés

regards lubriques, avaient droit de se repaître des chaudes et vivantes pages où Lillois avait fait passer sa jeune âme.

Le « Vingtième Siècle » prit fait et cause pour Lillois. Dans notre réponse, nous posions nettement la question de la moralité et demandions ce qu’il adviendrait de l’art universel, s’il fallait s’en tenir à certaines exigences de bonzes.

Il faudrait supprimer à peu près toutes les lettres grecques et latines, qui sont à la base de nos études classiques ; il faudrait faire disparaître, en tout ou en partie : Rabelais, Montaigne, Molière, Shakespeare, Goethe ; les trois quarts du dix-huitième siècle, puis Balzac, Hugo, Musset, les Daudet, père et fils, Baudelaire, Maupassant, Verlaine, Flaubert, France, d’Annunzio Byron, Shelley, Tolstoï, Ibsen et cent autres talents ; il faudrait mettre à l’index la Bible, à cause de multiples passages d’une crudité capable d’effaroucher les moins pudiques ; il faudrait jeter par terre les musées de Paris, de Rome, de Florence, de Vienne, de Berlin, de Londres, de New York et d’ailleurs ; il faudrait réduire en poussière les restes de la statuaire grecque, qui est entièrement nue, mettre au feu mille tableaux, chefs-d’œuvre immortels, produits depuis la Renaissance jusqu’à nos jours, anéantir même une grande partie de l’œuvre de Wagner et autres musiciens. Bref, s’il fallait invoquer les préceptes rigides de quelques-uns des nôtres, le trésor artistique du monde périrait, le monu-