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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/136

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CONTES ÉTRANGES

répandre la vie dans les veines, et ne vous exposez pas à briser les rouages d’une machine fatiguée. Votre impatience ne peut-elle pas souffrir d’attendre une demi-heure pour redevenir des jeunes gens ?… Cependant l’eau est à votre service.

Un respectueux silence pour celui qui tenait leurs destinées dans ses mains calma ce premier moment d’effervescence. Les verres se remplirent pour la seconde fois, et quand le gaz en ébullition commença à pétiller à la surface, ils les vidèrent d’un trait.

Et du même coup, ainsi qu’un changement à vue opéré par la baguette d’un enchanteur et rapide comme la pensée, leurs yeux clairs et brillants lancèrent de joyeux éclairs ; leurs crânes, couverts de mèches rares et blanchissantes, se couvrirent d’une chevelure abondante, et c’étaient bien réellement trois gentlemen dans la force de l’âge et une jeune femme d’une santé florissante qui entouraient la table du docteur Heidegger.

— Chère veuve, vous êtes adorable ! s’écria d’une voix passionnée le colonel Killigrew, qui, les yeux attachés sur le visage de la veuve Wycherly, voyait les dernières rides de la vieillesse et les ombres des années s’effacer comme les ténèbres aux premiers feux de l’aurore, ou les vapeurs légères du matin au premier baiser du soleil.

Sans être entièrement édifiée par les compliments de l’enthousiaste colonel et voulant se convaincre par elle-même qu’ils avaient quelque raison d’être, la belle veuve du temps jadis s’élança légèrement du côté du miroir. Elle hésita cependant une seconde avant d’en approcher, tremblant d’y rencontrer le visage d’une vieille femme ;