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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/17

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LA MARQUE DE NAISSANCE

Georgina était tremblante et glacée lorsqu’elle franchit le seuil du laboratoire. Son mari s’efforça de sourire en la regardant ; mais il fut tellement frappé de la rougeur de la marque, dont sa pâleur doublait l’intensité, qu’il ne put retenir un mouvement de répulsion. La jeune femme s’évanouit.

— Aminadab ! Aminadab ! cria-t-il en frappant du pied avec violence.

À cette voix impérative, on vit sortir de l’appartement un homme de petite taille, aux formes athlétiques, dont les cheveux incultes encadraient un visage brûlé par le feu des fourneaux. Ce gnôme était depuis de longues années le seul aide d’Aylimer dans ses travaux scientifiques : ponctuel, exécutant avec une précision mécanique les expériences minutieuses, bien qu’absolument incapable d’en comprendre la marche ni l’objet. Avec sa force herculéenne, sa chevelure en désordre, son visage noir et son air stupide, il était le symbole de la nature physique, dont Aylimer, avec sa figure pâle et intelligente, représentait l’élément immatériel.

— Ouvre la porte du boudoir, Aminadab, et brûle une pastille.

— Oui, maître, répondit l’aide en regardant alternativement la jeune femme toujours privée de sentiment. Ma foi ! ajouta-t-il mentalement, si elle était ma femme, je ferais bien passer cette marque-là.

Lorsque Georgina reprit ses sens, elle respirait une atmosphère embaumée, dont les suaves émanations l’avaient ranimée. Elle se croyait le jouet d’un rêve. Aylimer s’était fait de cette salle enfumée, où ses plus belles années s’é-