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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/296

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CONTES ÉTRANGES

et ils ne virent plus qu’un léger brouillard qui s’étendait au-dessous d’eux, montant lentement des profondeurs de la vallée, jusqu’à ce qu’il eût atteint leurs pieds, où, se condensant alors en une épaisse et large nappe, il prit l’apparence d’un terrain mouvant sur lequel ils semblaient marcher. Puis, montant toujours, la brume les enveloppa tous deux, dépassa leurs fronts, et s’enroulant autour des pics, cacha presque aussitôt à leurs regards le faîte de la montagne et le ciel vers lequel ils tournaient vainement les yeux pour s’orienter.

Leur courage n’était point abattu, mais les forces d’Anna commençaient à s’épuiser et sa respiration devenait de plus en plus pénible. Elle ne voulait point que son mari la soutint, et deux ou trois fois elle chancela et ne se retint que par un effort de suprême énergie. Enfin, vaincue par la fatigue, elle s’affaissa sur un quartier de roc.

— Nous sommes perdus, ami, dit-elle tristement, jamais plus nous ne retrouverons le chemin de la vallée. Nous aurions été si heureux dans notre petite chaumière !

— Cher cœur, nous pouvons l’être encore, dit Mathieu. Tiens, vois de ce côté, le soleil qui perce le brouillard va nous permettre de nous diriger. Retournons sur nos pas et ne songeons plus à la grande escarboucle.

— Tu te trompes, répondit Anna découragée, le soleil ne doit pas se trouver de ce côté, il ne peut être plus de midi, et si nous pouvions apercevoir le soleil, ce serait au-dessus de nos têtes et non dans cette direction.

— Mais regarde, fit Mathieu d’une voix légèrement altérée, cela brille comme du feu à certains moments. Si ce n’est le soleil, qu’est-ce que cela peut être ?