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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/297

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LA GRANDE ESCARBOUCLE

La jeune femme, obligée de se rendre à l’évidence, aperçut alors une lueur rougeâtre et très-intense qui perçait le brouillard. En même temps, le sommet de la montagne commença à se dégager des nuages qui l’entouraient ; puis, comme si la création fût sortie pour la seconde fois du chaos, chaque objet, sortant peu à peu de l’épaisseur des brumes environnantes, prit insensiblement une forme plus arrêtée. Un scintillement à leurs pieds leur fit apercevoir un petit lac calme et limpide qui semblait une large piscine creusée dans le rocher par la main de l’homme, tant ses bords étaient unis et réguliers. Ce scintillement se changea presque aussitôt en un éblouissant reflet qui, les forçant de relever la tête, les mit face à face avec le splendide rayonnement d’un astre mystérieux et terrible, placé sur le sommet d’une colline arrondie, et dont le miroir des eaux reflétait les feux étranges. C’était la grande escarboucle que le hasard livrait à leur naïve admiration.

Ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre, effrayés du succès de leur entreprise ; car, au souvenir de la légende, ils comprirent qu’ils étaient les élus du destin, et leur naïve conscience fut troublée de ce bonheur.

Combien de fois, dans leurs rêves juvéniles, avaient-ils vu briller comme un phare lointain cette pierre magique ! et voilà que tout à coup elle faisait jaillir ses rayons sur eux dans toute l’intensité de son éclat, se réflétant sur leur visage, sur la surface du lac tranquille et jusque sur le brouillard matinal qui fuyait devant sa puissante lumière.

Quand le premier moment de la surprise fut passé, ils regardèrent autour d’eux, et un nouvel objet détourna leur attention : c’était un homme à genoux au pied de la colline