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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/67

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LA FILLE AUX POISONS

science de mon père qui a fait tout cela. Mais ne crois pas que ce soit moi, Giovanni. Mon seul rêve a été de t’aimer, de rester quelque temps près de toi, puis de te laisser partir, ne gardant dans mon cœur que le souvenir de ta chère présence. Car, mon Giovanni, si mon corps est nourri de poison, mon âme est d’essence divine et l’amour est son seul aliment. C’est mon père qui nous a réunis à mon insu dans cette terrible sympathie. Oui, repousse-moi !… foule-moi aux pieds… tue-moi… Qu’est-ce que la mort auprès de ton mépris ? Mais ne me crois pas coupable, car pour une éternité de bonheur, je ne voudrais pas avoir fait ce que tu me reproches !

Cependant, la colère du jeune homme s’était dissipée en s’échappant de ses lèvres. Il ne lui restait plus que le sentiment douloureux, mais non sans un mélange de tendresse, des relations intimes qui existaient entre Béatrix et lui.

Ils étaient là tous deux, jeunes, beaux, s’aimant d’un profond amour, isolés, mais dans une solitude enchanteresse, séparés du monde extérieur par quelques buissons de fleurs. Ils pouvaient vivre ainsi s’ils l’avaient voulu, étant l’un pour l’autre un univers, loin des bassesses et des lâchetés de ce monde, dont il leur semblait si cruel d’être exclu. Il y avait là, sans qu’ils s’en doutassent, un paradis d’éternelle félicité.

Mais Giovanni l’ignorait.

— Chère Béatrix, dit-il en s’approchant de la jeune fille qui tressaillit à son contact, bien chère Béatrix, notre sort n’est point encore désespéré. Voici un précieux antidote, dont un savant médecin m’a affirmé l’efficacité quasi mira-