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Page:Henriet - Le paysagiste aux champs, 1876.djvu/143

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LE PAYSAGISTE AUX CHAMPS.

tinction, ne sortent guère de ces banalités ! Seulement, elles les débitent la bouche en cœur, avec toutes sortes de façons et de grâces qui ajoutent le ridicule à l’insignifiance. Car notre bourgeoisie moyenne, qui aurait tout à gagner à rester simple et naturelle, préfère singer gauchement les sphères supérieures ; on se manière à plaisir et l’on réussit seulement à contracter certains tics dont le plus agaçant peut-être consiste en un petit ricanement que l’on attache, comme une fioriture, à la queue de toutes ses phrases, et qui a généralement le tort d’être fort peu en situation. Jugez plutôt :

« Ces pauvres gens meurent de faim… Ah ! ah ! ah ! »

« C’est désolant ! Ah ! ah ! ah ! ah !… »

Le parler rural ne connaît point ces afféteries. Ce qui lui donne sa vive et pittoresque allure, c’est qu’il prête des sens aux choses du règne végétal et anime jusqu’à la matière. Ses blés, ses foins, ses légumes, ses arbres sont, pour le paysan, comme autant d’amis avec lesquels il languit ou s’égaye, souffre ou s’épanouit. Cette complète identification se traduit, dans son langage, en expressions colorées, originales, pleines de relief.