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Page:Henriet - Le paysagiste aux champs, 1876.djvu/175

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LE PAYSAGISTE AUX CHAMPS.

pour moi dans d’ineffables lueurs d’aurore. Je voyais se déchirer les voiles qui nous dérobent les mondes inconnus, et la boîte osseuse du cerveau, qui souvent pèse si lourdement sur notre pensée, semblait s’ouvrir docilement à son essor.

Le soir, quand j’essayai de fixer les belles visions d’or que j’avais entrevues, je ne pus rien ressaisir. Ce qui m’avait paru perception claire n’était plus que confusion et incohérence. La prédominance du système nerveux condamnerait-elle l’artiste aux dilettantismes de la sensation ? ou les élans de la pensée seraient-ils inséparables, chez nous, du spectacle du monde extérieur et de l’exercice des facultés optiques qui constituent notre aptitude artistique ! Que sais-je ?

Toujours est-il que je rapportai, ce jour-là, une de ces esquisses limpides et vibrantes nées dans la joie et l’épanouissement, où l’artiste met, du premier jet, toute son émotion et toute son âme. Elle semblait s’être faite toute seule… soit qu’au degré d’enthousiasme où j’étais monté, je n’aie pas eu conscience de la tension qu’elle avait exigée, soit que j’aie recueilli, à mon insu, dans une heure de bonne fortune, le