Aller au contenu

Page:Henriet - Le paysagiste aux champs, 1876.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146
LE PAYSAGISTE AUX CHAMPS.


Les uns ont des cervelles de papillons et des tempéraments de moineaux francs. Ceux-ci veulent tout sentir, tout exprimer à la fois, et la surabondance d’une sève mal réglée devient la cause de leur avortement. Ceux-là, dupes des mirages de leur imagination, apportent, dans leurs désirs, une mobilité d’écureuil. F. Bonvin, — talent solide doublé d’un esprit sagace, — juge d’un mot tous ces aimables étourdis qui gaspillent follement des dons précieux : « Ils ont, pour leur malheur, dit-il, le sentiment de l’art sans en avoir la raison. »

Souvent, c’est l'excès d’une qualité poussée jusqu’à une acuité morbide qui les condamne à l’impuissance. Une délicatesse de goût trop subtile ; une soif de perfection trop exigeante les empêche de passer des énervements voluptueux du rêve aux labeurs de la réalisation. Ils ne conçoivent que des intentions de tableaux. Ces incurables rêveurs ne peuvent pas aller au delà d’une vague et débile ébauche, et leur œil s’hallucine à force de s’y complaire.

Quand un artiste reste durant des mois devant son chevalet en creusant son œuvre avec une obstination énervante, il en arrive à confondre l’image idéale qui flotte dans sa tête