Les uns ont des cervelles de papillons et
des tempéraments de moineaux francs. Ceux-ci
veulent tout sentir, tout exprimer à la fois, et
la surabondance d’une sève mal réglée devient
la cause de leur avortement. Ceux-là, dupes des
mirages de leur imagination, apportent, dans
leurs désirs, une mobilité d’écureuil. F. Bonvin,
— talent solide doublé d’un esprit sagace, —
juge d’un mot tous ces aimables étourdis qui
gaspillent follement des dons précieux : « Ils
ont, pour leur malheur, dit-il, le sentiment de
l’art sans en avoir la raison. »
Souvent, c’est l'excès d’une qualité poussée jusqu’à une acuité morbide qui les condamne à l’impuissance. Une délicatesse de goût trop subtile ; une soif de perfection trop exigeante les empêche de passer des énervements voluptueux du rêve aux labeurs de la réalisation. Ils ne conçoivent que des intentions de tableaux. Ces incurables rêveurs ne peuvent pas aller au delà d’une vague et débile ébauche, et leur œil s’hallucine à force de s’y complaire.
Quand un artiste reste durant des mois devant son chevalet en creusant son œuvre avec une obstination énervante, il en arrive à confondre l’image idéale qui flotte dans sa tête