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Page:Henriet - Le paysagiste aux champs, 1876.djvu/184

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IMPRESSIONS ET SOUVENIRS.

avec la grossière traduction qu’il en a jetée sur la toile. Il ne voit bientôt plus son œuvre qu’à travers les vapeurs de son cerveau ; son imagination, surchauffée par l’idée fixe, se monte insensiblement à un tel degré de surexcitation que toutes les fantaisies de son rêve prennent corps pour lui sur des toiles à peine frottées, où le profane ne saurait rien voir. Ces lamentables renversements d’optique sont parfois l’écueil des natures trop délicates. L’excès de la virtuosité et du dilettantisme aboutit souvent à l’impuissance quand il ne conduit pas plus loin…

Quelle bizarre collection de monomanes offrent à l’observateur, — j’allais dire au pathologiste, — tous ces pauvres dévoyés de l’art ! Et qu’ils sont touchants encore dans leur sincérité ! J’en sais un qui aura consumé toute sa vie en projets de tableaux, en outillages de toutes sortes. Il n’a jamais découvert de couleurs assez superfines, d’huiles assez clarifiées, de brosses assez souples. Il est constamment à la recherche de couteaux à palette perfectionnés, de grattoirs invraisemblables. C’est par centaines qu’il se pourvoit de toiles et de panneaux. Il les prépare en rouge, en gris, au couteau, au tampon ; il y en a de clairs et de vigoureux, de