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Page:Henriet - Le paysagiste aux champs, 1876.djvu/203

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LE PAYSAGISTE AUX CHAMPS.


place derrière ou sur les côtés, ils se planteront, sans façon, tout droit devant vous.

Quand son travail a atteint un état d’avancement relatif, le peintre brosse, vaille que vaille, sans s’émouvoir autrement de ce voisinage incommode. Les rapides progrès de son ébauche tiennent, pendant quelque temps du moins, les spectateurs attentifs et silencieux. Mais je ne sais pas de supplice plus insupportable que de sentir se former autour de soi un cercle de badauds, avant même que l’on ait eu le temps de se mettre à l’œuvre et de donner le premier coup de pinceau ou de fusain.

Avant de poser ce coup de crayon initial qui engage résolûment l’action, le peintre reste, pendant un espace de temps plus ou moins long, en tête-à-tête avec sa toile blanche, portant alternativement son regard de sa toile au paysage et le ramenant du paysage à sa toile. Il médite son œuvre, étudie le rythme des lignes, délimite mentalement son tableau, calcule ses proportions avant de risquer le premier trait.

Il est difficile d’accorder à ce travail préliminaire le temps qu’il réclame quand l’on a cent yeux braqués sur soi. Il semble qu’on entend déjà gronder l’impatience de la galerie.