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LE PAYSAGISTE AUX CHAMPS.


irrésistiblement et j’ai peur. Ce spectacle surhumain m’écrase et je n’ose me mesurer avec lui…

Du reste, je suis venu pour voir et sentir… et pas autre chose… Si, d’aventure, je veux peindre ou dessiner, je tourne le dos à ces mystérieux horizons qui me troublent et je rentre dans le rayon de l’activité humaine. Le mouvement des bassins, l’animation des quais, les mille épisodes pittoresques de la vie des ports, les coques élégantes des bateaux à marée basse m’offrent un thème plus accessible à mes crayons, par cela qu’il est moins épique.

L’eau est peut-être mon élément de prédilection ; mais, à la mer qui m’accable du sentiment de mon impuissance, je préfère, comme peintre, les étangs qui dorment dans leur collerette de roseaux, ces rivières oubliées qui égarent leurs ondes fraîches sous d’ombreuses voûtes de feuillage, ou les bords animés des grands fleuves. Ces flots paisibles qui s’en vont quelque part… dans une direction déterminée, reposent mon esprit qu’effare l’inconnu. J’aime à voir les bateaux, voiles déployées, glisser, tranquilles et fiers, sur ces nappes d’argent, opposant leurs vigoureux tons noirs à la nacre