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Page:Henriet - Le paysagiste aux champs, 1876.djvu/252

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IMPRESSIONS ET SOUVENIRS.


Chez beaucoup d'artistes, — j'écarte les organisations exceptionnelles, auxquelles ne peuvent s'appliquer des observations générales, — les dons naturels, qui sont fragiles comme la beauté du diable, s'en vont souvent à un âge où les qualités acquises se développent encore. Or, ces dons exquis semblent, en s'enfuyant, nous ôter jusqu'au sentiment de leur perte. En revanche, le peintre peut constater chaque jour les progrès très-appréciables de son expérience. Il se sent de plus en plus maître des procédés. Il parvient à surmonter maintenant des difficultés dont il se fût tiré gauchement alors qu'il avait seulement l'amour, l'intuition. Peut-il se douter qu'il a joué à qui perd gagne ? Peut-il se rendre compte que c'est précisément depuis qu'il sait mieux concevoir et exécuter un tableau « selon la formule » qu'il ne produit plus que des fruits desséchés et sans parfum ?

Lui ferez-vous un crime de s'irriter un peu contre le public qui le délaisse pour se livrer à des engouements parfois si peu justifiés ? Il n'y comprend véritablement rien.

« Mais qu'est-ce qu'ils veulent ? — me disait un jour, en me montrant ses œuvres, un pauvre